Woods obtient un jugement important de la Cour d’appel du Québec en matière d’ordonnances Anton Piller
Jugement important de la Cour d’appel du Québec en matière d’ordonnances Anton Piller
Le 31 juillet 2013, la Cour d’appel du Québec a rendu un important jugement en faveur des parties défenderesses/intimées, représentées par Woods. Ce jugement, répertorié sous le nom IMS Health Canada Inc. c. Th!nk Business Insights Ltd., 2013 QCCA 1303 et disponible ci-dessous, visait à répondre à la question suivante :
« Dans le débat sur une requête en annulation d’une ordonnance Anton Piller prononcée ex parte, la partie qui l’a obtenue peut-elle avoir accès à la preuve saisie en exécution de l’ordonnance avant que le tribunal ne statue sur les motifs d’annulation invoqués par la partie qui en fait l’objet? »
Sous la plume de l’honorable Clément Gascon, la Cour d’appel a confirmé, de façon unanime, que l’accès par la demanderesse aux fruits de la saisie (notamment pour fins de preuve lors de l’audition de la requête) n’est pas automatique et que celui-ci peut être refusé ou accordé à la discrétion de la cour. Cette discrétion doit être exercée en tenant compte des facteurs suivants :
- L’intérêt de la justice;
- Les motifs invoqués dans la requête en cassation de l’ordonnance;
- Le sérieux de ces motifs; et
- Les circonstances du dossier concerné.
Dans ce dossier, la Cour d’appel a estimé que le juge de première instance avait correctement refusé d’accorder l’accès à la preuve saisie, sur la base des éléments suivants présents dans ce dossier :
- Les motifs de contestation sérieux, portant notamment sur (1) le texte de l’ordonnance et sa portée très large, (2) sur une insuffisance (voire absence) de preuve quant au risque de destruction de preuve dans la requête initiale et la preuve soumise lors de l’audience ex parte et (3) des manquements à l’obligation de divulgation complète lors de cette audience;
- Le court délai (deux semaines) entre l’exécution de l’ordonnance et le dépôt de la requête en cassation par les défendeurs/intimés (élément de diligence);
- Le grand nombre de documents saisis et les frais reliés à une révision de ceux-ci par les défendeurs/intimés pour fin de soulever des objections à leur communication; et
- L’absence de préjudice pour la demanderesse/appelante, la preuve saisie devant demeurer sous scellé chez un procureur indépendant en l’attente d’une décision sur la requête en cassation.
En effet, l’ordonnance prononcée ex parte accordait à la demanderesse/appelante le droit de saisir une vaste gamme de documents en possession d’un des défendeurs/intimés par l’entremise d’un procureur indépendant et permettait ensuite la communication à la demanderesse/appelante des documents saisis dans un court délai (initialement de 24 heures mais rallongé de consentement à deux semaines), sous réserve du droit des défendeurs/intimés de soulever des objections détaillées avant l’expiration de ce délai.
La Cour supérieure et la Cour d’appel ont reconnu que ceci constituait un fardeau important pour les défendeurs/intimés, qui se voyaient alors obligés de réviser les documents avant même de pouvoir contester l’ordonnance Anton Piller de manière générale et cette procédure en particulier. La Cour d’appel a d’ailleurs pris note des arguments des défendeurs/intimés à l’effet que ceci constituait également un renversement de la procédure de communication de preuve en droit québécois et que cet argument méritait une étude sérieuse lors de l’audition de la requête en cassation.
En réponse à l’argument de la demanderesse/appelante à l’effet que la jurisprudence canadienne et québécoise était unanime à l’effet que les « fruits de la saisie » doivent être pris en considération dans le cadre d’une requête en cassation, qui doit être entendue de novo,la cour a noté que cette jurisprudence ne saurait créer plus qu’un pouvoir discrétionnaire dont bénéficie la cour supérieure d’accepter ou refuser de tels éléments de preuve.
La cour a aussi noté que la ratio de cette jurisprudence semble difficilement applicable dans le contexte actuel des saisies Anton Piller, la plupart des décisions ayant été rendu (1) dans des situations où les demandeurs ou leurs procureurs avait déjà obtenu communication de la preuve saisie et (2) avant l’arrêt de la Cour Suprême du Canada dans l’arrêt Celanese Canada Inc. c. Murray Demolition Corp., 2006 CSC 36, qui a confirmé l’existence de certaines garanties minimales au bénéfice des défendeurs, dont le droit de contester l’ordonnance émise ex parte dans un court délai et la présence d’un avocat indépendant devant prendre possession des éléments de preuve saisis.
La Cour d’appel a également pris l’occasion pour réitérer que l’objectif principal de l’ordonnance Anton Piller est la conservation d’éléments de preuve pouvant être détruits et qu’elle ne se veut pas un moyen alternatif de communication de preuve ou encore un moyen pour exécuter des fouilles abusives ou une partie pêche dans les documents détenus par un défendeur.
Il est à noter que la demanderesse/appelante a indiqué son intention de déposer contre cet arrêt une demande d’autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada.
Pour une copie de l’arrêt, sélectionnez le lien suivant: /uploads/files/Jugement_(13-07-31)_Arret_cour_d-appel.pdf
L’arrêt est également commenté à la page 2 de l’édition du 6 septembre 2013 de The Lawyers Weekly, disponible au http://www.lawyersweekly-digital.com/lawyersweekly/3317#pg2.